Jennifer Pudloo vient de vivre un Noël spécial. Cette mère monoparentale de 25 ans admet qu’il ne s’est rien passé de spectaculaire et qu’elle a dû se débrouiller avec un budget serré. Son Noël a été spécial parce que c’était le premier en huit ans qu’elle fêtait dans un domicile qui est le sien.

Jennifer a grandi à Iqaluit, la capitale du Nunavut. Avec son diplôme d’études secondaires en poche, elle a obtenu un poste au gouvernement territorial qui lui a permis de se louer une garçonnière. Malheureusement, elle s’est retrouvée sans emploi, sans salaire, sans logis un an plus tard. Elle a fait une demande pour un logement social et a attendu que son nom se retrouve en haut de la liste. Elle n’a pas eu d’adresse fixe pendant huit ans.

Au Canada, on entend souvent parler de la crise des logements inabordables dans des villes comme Vancouver et Toronto, mais il est rarement question de celle qui touche la population d’Iqaluit, où la nourriture coûte trois fois plus cher que la moyenne nationale et où le taux de chômage oscille autour de 10 %.

Comme les propriétaires privés demandent un loyer moyen de 2 600 $ pour un appartement de deux chambres, deux tiers des 7 700 habitants de la ville ont besoin d’un logement social fourni par leur employeur ou le gouvernement. Le problème, c’est qu’il n’y en a vraiment pas assez. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, il faudrait 193 logements sociaux de plus pour loger tout le monde en ce moment à Iqaluit.

Dans une ville où le thermomètre descend régulièrement à -30°C ou encore plus bas, il devient urgent de se mettre à l’abri du froid. Jennifer a fait ce que beaucoup de personnes font à Iqaluit : elle a campé chez des membres de sa famille. Au fil des ans, elle a dormi sur un sofa, un lit escamotable ou un matelas au sol, et fait de petits boulots dans les hôtels du coin ou à la soupe populaire. Quand elle est devenue enceinte, Jennifer et son copain vivaient chez son oncle dans un appartement trop petit. Son oncle occupait la seule chambre à coucher, deux autres adultes dormaient dans la remise, tandis que Jennifer et son copain se contentaient du salon.

À la naissance de son fils Hunter, Jennifer a vite compris qu’elle n’était plus à sa place dans la maison de son oncle parce qu’on y faisait souvent la fête. Avec Hunter, elle est allée vivre dans un refuge pour femmes. Six mois plus tard, l’office de logement public lui a téléphoné. Elle s’est installée dans son appartement de deux chambres en décembre dernier.

Elle ne se voit pas vivre ailleurs qu’à Iqaluit.

« Dans les premiers temps, il y avait vraiment beaucoup d’espace vide », raconte Jennifer. Elle a graduellement trouvé quelques meubles et a apporté ses biens, ce qui lui donne l’impression d’avoir à peu près tout ce qu’il lui faut. Presque tout...

« Maintenant que j’ai mon propre domicile, j’espère que je pourrai récupérer mon fils », dit-elle en parlant pour la première fois de son fils Miles, qui a aujourd’hui huit ans. Itinérante quand il est né, elle dit « ne pas avoir voulu lui faire vivre ce fardeau émotionnel ». Elle a préféré le confier au père de l’enfant qui a par la suite déménagé dans le Sud du pays. Elle n’a pas vu Miles depuis quatre ans.

En 2017, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a publié un rapport sur les problèmes de logement auxquels font face les communautés nordiques du pays. Le Comité a notamment conclu que plus de la moitié des Inuits du Nunavik, soit la région au nord du Québec, habitent des logements surpeuplés; que les cas de tuberculose, une maladie qui se propage en raison des mauvaises conditions de logement, sont 250 fois plus nombreux que dans la population non autochtone; qu’il y a corrélation entre une pénurie de logements et de « graves répercussions sur la santé publique », y compris des maladies respiratoires et des troubles mentaux. Le Comité a intitulé son rapport On peut faire mieux, et c’est le moins qu’on puisse dire.

Malgré tout, Jennifer ne se plaint pas. Elle a visité quelques villes du Sud — Toronto, Montréal, Québec — et les a trouvées à la fois « extraordinaires » et écrasantes. Elle ne se voit pas vivre ailleurs qu’à Iqaluit.

Dans son nouvel appartement, Jennifer aime regarder la baie Frobisher de sa fenêtre, jouer à cache-cache avec Hunter dans la salle de jeux d’en bas, ou regarder la télévision à l’étage. La caméra de sécurité située à l’extérieur et la serrure à pêne dormant de sa porte lui procurent un sentiment de sécurité. Elle installe maintenant un deuxième lit dans la chambre de Hunter dans l’espoir que son demi-frère revienne un jour à la maison.


En 2018, la Commission a présenté ses recommandations officielles au gouvernement fédéral sur la Stratégie nationale sur le logement. Nos diverses recommandations s’inscrivent dans une recommandation d’ensemble qui appuie une approche axée sur les droits de la personne dans le contexte de la Stratégie nationale sur le logement. Par exemple, dans le cadre d’une approche axée sur les droits de la personne, nous avons recommandé que le gouvernement fédéral s’assure que le vocabulaire et le concept proprement dit des droits de la personne dans le contexte du logement soient admis et intégrés dans l’ensemble de la Stratégie. Nous avons aussi recommandé qu’au moins la moitié du Conseil national du logement soit formée d’un groupe diversifié de personnes ayant vécu l’une des situations suivantes : pauvreté, logement inadéquat ou itinérance.