En 2018, le monde a célébré le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Déclaration a été une réponse aux horribles atrocités nées de la haine. Elle a uni le monde dans une cause commune : celle de promouvoir les principes de l’égalité, de la dignité et du respect pour tous.
La Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne et les lois adoptées par les provinces et territoires pour protéger les droits de la personne prennent toutes leur source dans la Déclaration. Grâce à ces textes de loi, les gens ont obtenu le pouvoir de briser le silence, de dénoncer la discrimination et d’être des acteurs de changement – autant dans leur propre vie que dans celle de leurs concitoyennes et concitoyens.
Pourtant malgré les progrès accomplis, les Autochtones, les personnes handicapées, les personnes racialisées, les groupes religieux et les personnes ayant une orientation sexuelle ou une identité de genre différente subissent encore de la discrimination au Canada.
« Les autochtones, les personnes handicapées, les personnes racialisées, les groupes religieux et les personnes ayant une orientation sexuelle ou une identité de genre différente subissent encore de la discrimination au Canada. »
La Commission poursuit ses efforts afin que chaque personne au Canada soit traitée équitablement, peu importe son identité. Dans la dernière année, nous avons travaillé avec des personnes en situation de vulnérabilité, des défenseurs des droits de la personne, des représentants communautaires, des parlementaires et des jeunes pour faire de la sensibilisation et demander des changements quant aux enjeux pressants qui affectent le quotidien de la population canadienne.
Notre priorité en 2018 était d’améliorer notre processus de traitement des plaintes. Nous avons pris des mesures pour adapter nos services aux besoins des personnes qui nous demandent de l’aide – faisant passer la personne avant le processus. Nous avons diversifié et simplifié les moyens de communiquer avec nous. Grâce à notre nouvelle plateforme de plaintes en ligne, les personnes qui croient avoir subi de la discrimination peuvent savoir rapidement si leur expérience peut justifier une plainte à la Commission canadienne pour non-respect des droits de la personne ou, dans le cas inverse, elles sont redirigées à l’organisation appropriée pour obtenir de l’aide. En 2018, le nombre de personnes qui ont communiqué avec la Commission pour porter plainte a atteint des sommets inégalés. En fait, nous avons accepté en 2018 un nombre record de plaintes en plus d’une décennie. Ces résultats sont encourageants, mais je suis grandement préoccupée par le fait que beaucoup de victimes de discrimination ne peuvent ou ne veulent pas demander de l’aide.
Nous avons accepté en 2018 un nombre record de plaintes en plus d’une décennie.
On se souviendra de 2018 notamment pour les mesures législatives et les initiatives que le gouvernement fédéral a proactivement mises de l’avant afin de favoriser l’égalité dans la population canadienne. Je pense entre autres à la Loi canadienne sur l’accessibilité qui est à l’étude, à la Loi sur l’équité salariale, à la Stratégie nationale sur le logement et à la loi adoptée pour lutter contre le harcèlement – toutes ces initiatives proactives pourraient contribuer à rendre le Canada plus égalitaire et inclusif. Il n’y a rien d’étonnant à ce que de nombreuses personnes soutiennent ces initiatives. D’après les sondages, la population canadienne continue de voir les droits de la personne comme étant un concept déterminant de notre identité commune.
Pourtant, la montée du populisme, ici comme ailleurs dans le monde, met en évidence le nombre croissant de personnes qui s’autorisent à propager des opinions racistes et intolérantes. Certaines personnes tirent profit de cette tendance pour attiser la peur de « l’autre » ou faire des gains politiques.
Cette tendance est inquiétante. Elle confirme qu’il y a de plus en plus de gens qui sont insensibles aux personnes en situation de vulnérabilité, et elle encourage le mensonge et la désinformation. En fait, elle représente un danger. La rhétorique valorisant la haine et l’intolérance peut mener à des crimes haineux et à la violence.
Un crime haineux peut être un acte violent motivé par le racisme, la xénophobie, la misogynie ou l’intolérance religieuse. Il peut aussi être motivé par des préjugés concernant la déficience, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Selon les plus récentes données de Statistique Canada, les crimes haineux déclarés à la police au Canada ont augmenté de 47 % par rapport à l’année précédente.
Sur de nombreux points, nous nous trouvons en terrain inconnu. Notre façon de communiquer et d’échanger des idées ayant radicalement changé en cette ère de technologie, tout le monde a le pouvoir de diffuser ce qui lui plait. Une personne peut faire plus de bruit et influencer plus de gens que jamais.
Une toute nouvelle génération de jeunes est exposée aux mensonges qui soutiennent l’idée qu’une race ou une religion est supérieure aux autres. Ainsi, la menace que représente le discours haineux s’en trouve amplifiée.
Les mécanismes adoptés par le Canada pour protéger les droits de la personne sont de bons outils de lutte contre la discrimination, mais ils ne servent pas à grand-chose dans la lutte contre la haine. Nous avons donc demandé aux parlementaires de mener une étude approfondie pour mieux comprendre le phénomène de la haine au 21e siècle et la façon de la contrer.
Il faudra plus qu’une étude pour combattre la haine. En fait, il faudra que tout le monde s’y mette. Il appartient à chacun de nous de briser le silence pour dénoncer la haine, de comprendre ses modes de propagation et de trouver des moyens de la neutraliser.
La société civile, le système de justice, les organisations de défense des droits de la personne et tous les ordres de gouvernement ont un rôle à jouer.
Lorsque l’on fait le bilan de l’année 2018, le Canada a plusieurs choses à son actif pour lesquelles il peut être fier. Cependant, même si nous avons l’impression d’avoir accompli beaucoup, nous ne devons pas baisser la garde. Nous devons continuer à briser le silence, à dénoncer la haine et l’intolérance et à faire tout ce que nous pouvons afin de maintenir une société qui a comme valeurs profondes l’égalité, la dignité et le respect pour tous et toutes.
Marie-Claude Landry, Ad. E.
Présidente
Commission canadienne des droits de la personne